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    Démission de Mamadou Koulibaly, Tiemoko Antoine réagit : « Les maires ont-ils un budget de souveraineté ? »

    Le maire de la commune d’Azaguie, Mamadou Koulibaly, a adressé un courrier portant « démission » de sa fonction de maire.

    Le motif de cette démission est lié à un courrier de la Primature en date du 10 août qui informe le maire qu’en raison de l’application de la loi de 2005 sur le traitement des anciens présidents d’institution et en raison de sa nouvelle fonction, il a eu un trop perçu de près de 130 millions lié à sa qualité d’ancien president de l’Assemblée nationale et qu’il doit prendre des dispositions pour rembourser ce trop perçu.

    Que, à compter de la fin de ce mois d’août 2021, sa rentre viagère de plus de 8 millions par mois sera donc divisée par deux et cela, tant qu’il restera dans la fonction de maire.


    C’est que la loi en question, la loi No 2005-201 du 16 juin 2005 portant « statut des anciens présidents d’institutions a institué que « les avantages financiers sont diminués de 50% si la personnalité est reversée dans un emploi ou une fonction lui procurant des salaires, un traitement ou une indemnité provenant du budget de l’Etat ou celui de ses démembrements « .

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    Mamadou Koulibaly, avec qui j’ai échangé longuement ce matin, via son avocat, a saisi le premier ministre pour un recours gracieux afin que ce dernier revienne sur sa décision qui selon lui, serait une mauvaise interprétation de la loi.
    En effet, la question qui se pose dans cette affaire est de savoir si la notion de « reversement » dans une fonction nouvelle ou un emploi nouveau rémunéré sur le budget de l’Etat ou de celui de ses démembrements s’applique au maire qui exerce fonction élective.

    Cette question se pose d’autant plus que le décret d’application de cette loi de 2005 ne reprend pas le terme de « reversement » mais parle plutôt de « réalignement ».
    Le « reversement » et le « réalignement » sont-ils applicables à la fonction de maire?
    Dans le principe, et jusqu’à preuve du contraire, la fonction de maire ne tombe pas sous les notions de « reversement » et de « réalignement ».

    Le maire a d’abord été un candidat, tête d’une liste qui est élue au suffrage universel direct.
    Ensuite, pour avoir le statut de maire, une deuxième élection, cette fois-ci restreinte, est organisée sous la supervision du préfet et le maire est élu parmi les conseillers de la liste arrivée en tête.
    C’est à la suite de tout ce processus que le ministre de l’Intérieur prend un arrêté pour constater le résultat final de la double élection et inviter les préfets à organiser l’installation des nouveaux maires.

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    Il n’y a donc pas un acte administratif d’une autorité supérieure qui désigne le maire dans sa fonction.
    En revanche, cette notion de reversement ou de réalignement qui suppose la prise d’un acte administratif de nomination venant d’une autorité supérieure, s’applique clairement au cas du gouverneur d’Abidjan, Beugre Mambe.

    Lequel, après avoir été président de la CEI, a été nommé ministre Gouverneur du District d’Abidjan.
    Beugre Mambe lui, tombe clairement sous cette loi. Reste à savoir si sa rente viagère d’ancien président de la CEI a été effectivement réduite de 50% vu qu’il perçoit une indemnité conséquente en tant que ministre gouverneur.


    Le maire Mamadou Koulibaly tombe-t-il sous le coup de la loi?


    Si son recours gracieux est rejeté, Mamadou Koulibaly n’aura pas d’autre choix que de saisir le juge administratif pour qu’il interprète cette loi, il y aura donc dans quelques mois, une jurisprudence Mamadou Koulibaly.


    Cette affaire, au-delà de l’émotion qu’elle suscite, ne saurait être analysée sous l’angle de la morale et encore moins de la politique politicienne.


    Mamadou Koulibaly ne démissionne pas pour sauver sa rentre viagère, il le fait pour poser un problème sur l’interprétation et l’application des lois dans notre pays.

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    Cette affaire va permettre enfin de faire le débat sur le statut des maires, les élus les plus maltraités de la Côte d’Ivoire.
    En effet, la loi de 2003 sur la décentralisation, qui pose clairement le principe de l’autonomie des maires et présidents de conseils régionaux, a été torpillée lorsqu’il s’est agi de déterminer le régime financier, domanial et fiscal de ces élus.

    De peur de voir des élus transformer leur cité sans être obligés de passer par un ministre ni par un président, on a estimé que la fonction de maire doit rester une fonction bénévole, non rémunérée et que les maires, ne doivent ni avoir de salaire, ni avoir d’assurance maladie, ni avoir de retraite.


    Ainsi, Mamadou Koulibaly qui consacre 80% de son temps à sa mairie, ne reçoit que 320 mille francs par mois. Et il devrait renoncer à la moitié de sa rentre viagère légalement due, soit 4,5 millions par mois et rembourser près de 130 millions de trop perçu, sous prétexte que la mairie d’Azaguie lui verse une aumône de 320 mille par mois qu’inutilise pour faire face aux sollicitations quotidiennes de ses administrés ?

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    Les maires ont-ils un budget de souveraineté ? Non.

    Il y a de nombreux maires qui se contentent dans ce pays, de 175 mille francs par mois comme indemnité, en ayant sur leurs bras, les sollicitations quotidiennes de leurs populations.
    Seuls les maires d’Abidjan, de Bouaké, Daloa, peuvent avoir une indemnité plafonnée à 1,8 million par mois, l’indemnité étant calculée sur la base de la population à raison d’environ 20 francs par habitant.


    Dans l’imaginaire populaire, un maire est sensé gagner beaucoup d’argent et au sommet de l’État, bien que le sort des maires soit connu, on estime que la situation doit rester en l’état parce que, inconsciemment, on se dit que les maires trouvent le moyen de gagner de l’argent à la mairie, en d’autres termes, que les maires volent. On préfère donc les laisser « voler » au lieu de leur donner le statut qu’ils doivent avoir en tant que premier magistrat d’une ville, une notion à ce jour vide de sens.

    C’est d’ailleurs avec cette arrière-pensée que le contrôle financier vient d’être institué depuis le 1er août, dans les collectivités.
    Désormais, aucun maire ne pourra faire payer une dépense de la mairie sans qu’un fonctionnaire n’ait approuvé, par son Visa, cette dépense. Ainsi, le dernier élément de la prétendue autonomie de l’élu vient de sauter.
    En réalité les maires sont de simples collecteurs de taxes pour l’Etat et non des agents de développement comme pourtant, l’a voulu la loi sur la décentralisation, neutralisée depuis 2003.

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    Mamadou Koulibaly a donc raison de poser le problème, sa démarche est républicaine et pose un problème d’interprétation des lois.
    Si le juge administratif lui donne tort, il subira l’application de la loi et la république aura avancé.
    Si le juge lui donne raison, la République aura également fait un pas positif de plus vers l’État de droit qui exclut l’arbitraire.


    Assale Tiemoko Antoine
    Député de la nation.

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